Depuis plus de 35 ans, l’histoire familiale de Clémence Osswald s’écrit autour des fleurs. De sa grand-mère fleuriste sur les marchés, à sa mère qui a repris avec elle la boutique Amarylice située sous le Sofitel Lyon Bellecour, elle a grandi au milieu des bouquets. Aujourd’hui, elle perpétue ce métier passion en offrant, à travers ses créations, de la douceur, de la joie et de l’émotion.

1 – Quelle est l’histoire d’Amarylice ?
C’est une histoire familiale qui a commencé il y a plus de 35 ans avec ma grand-mère, fleuriste sur les marchés. Elle a eu l’opportunité de reprendre la boutique Amarylice, jusqu’alors tenue par une autre passionnée du métier. Elle s’est associée à ma mère pour donner une nouvelle vie à cet établissement historiquement situé sous le légendaire hôtel 5 étoiles, Sofitel Lyon Bellecour.
Épanouie au contact de ses fleurs, maman travaille toujours à mes côtés. Elle prouve chaque jour la justesse de l’adage « le travail c’est la santé ». Ma grand-mère, quant à elle, s’est retirée il y a quelques années. Elle nous a quittés depuis. Sans son audace, sa force de travail et sa passion pour le métier de fleuriste, rien n’aurait été possible.
2 – Intégrer la boutique familiale a-t-il été une évidence pour vous ?
Ce n’était pas le métier que j’avais envisagé au départ. C’est plutôt lui qui m’a choisie. J’ai commencé ma carrière comme commissaire aux comptes dans un grand groupe. Très vite, j’ai ressenti un manque de sens. Le déclic s’est produit le jour où j’ai quitté l’entreprise. Maman cherchait un comptable, je lui ai proposé de l’aider pendant quinze jours. Dix ans plus tard je suis toujours là.
Au fond de moi, je savais que j’avais envie de travailler dans cette boutique où j’ai grandi. Consciente de la dureté du métier, maman ne souhaitait pas forcément que je suive ses pas. Mais je ne regrette pas mon choix, bien au contraire.
3 – Quelle formation faut-il suivre pour devenir fleuriste ?
Il y a le CAP, le BP (brevet professionnel) et le BM (brevet de maîtrise). Malheureusement, les aides de l’État sont en train de diminuer, et pour l’année prochaine, il est même question de les supprimer. C’est une vraie menace pour les métiers de l’artisanat. Accueillir un apprenti, c’est prendre un engagement moral et financier. Malheureusement, beaucoup d’artisans n’ont pas les moyens.
À l’école, on apprend à faire des bouquets, mais pas à s’adapter au client. Cela, on ne peut l’apprendre qu’en pratique. Il faut pouvoir s’exprimer avec ses mains, toucher la matière, apprendre à sentir le bon geste.
Je crois profondément que c’est notre rôle de transmettre. Nous ne sommes pas éternels. Si nous ne partageons pas notre savoir-faire, il disparait. Pour moi, l’apprentissage devrait être obligatoire dans ce métier. Chez Amarylice, nous avons toujours formé des apprentis. La majorité d’entre eux sont d’ailleurs restés, à l’image de Frédéric qui est arrivé ici il y a 30 ans. Il a connu ma grand-mère, ma mère et il travaille aujourd’hui à mes côtés.
4 – Quelles sont les difficultés inhérentes au métier de fleuriste ?
C’est un métier passion assez exigeant. Il demande un engagement de chaque instant – du lundi au dimanche midi. Il faut savoir gérer les stocks avec précision, anticiper, s’adapter … Les fleurs sont des produits vivants, fragiles qui demandent une attention constante.
Beaucoup de fleuristes peinent à tenir sur la durée à cause de ces contraintes. C’est un métier physique, entre la gestion de la boutique, les événements extérieurs, le transport et les installations, souvent lourdes. Malgré tout ça, je ne retiens que le plaisir. Il m’arrive d’ailleurs parfois de dire, « je vais à la maison » quand je vais à la boutique. C’est dire à quel point je m’y sens bien !

« Notre métier consiste à faire du beau et à transmettre de la joie. »
5 – Qu’aimez-vous dans votre métier ?
C’est une véritable passion qui m’anime ! J’aime la fleur : la regarder, la toucher, la sublimer à travers des compositions florales. Notre métier consiste à faire du beau et à transmettre de la joie. Pour moi il n’y a rien de plus agréable.
Être fleuriste c’est aussi aimer le lien humain. J’aime ces échanges quotidiens avec les clients. Et parfois, quand la vie est plus dure pour eux, nous sommes là pour leur apporter un peu de douceur. C’est ça, le pouvoir des fleurs : accompagner les moments heureux de la vie comme les douloureux, et toujours mettre un peu de beauté dans le quotidien. Un bouquet c’est bien plus que des fleurs : c’est une émotion.
Pour finir, j’aime l’esprit d’équipe qui règne ici. C’est une valeur essentielle. Travailler aux côtés de personnes en qui l’on a confiance, avec qui l’on se sent bien, change tout. Notre complémentarité fait notre richesse. Nous avançons ensemble, dans l’entraide et la bienveillance. Nous formons une équipe à taille humaine, soudée par un véritable esprit de famille.
6 – Comment puisez-vous votre inspiration ?
Chez Amarylice, chaque création est unique. Nous travaillons à partir de croquis, avec des fleurs de saison, en fonction de l’inspiration du moment, des envies du client, et de ses contraintes aussi. Parfois on nous donne une gamme de couleurs ou un esprit : design, champêtre, romantique. C’est à nous de nous adapter en respectant la fleur. Une pivoine, par exemple, demande beaucoup d’eau. Si un client souhaite une suspension florale, on l’oriente vers des variétés plus adaptées.
7 – Quelle période de l’année vous inspire le plus ?
Le printemps est une saison que j’aime tout particulièrement. Cette renaissance est une véritable source d’inspiration. J’adore observer les bourgeons prêts à éclore, à l’image de la pivoine : elle commence en bouton, grossit doucement avant de s’ouvrir en grand. C’est une fleur qui a une belle histoire de vie. Elle continue d’évoluer une fois coupée. Nous appelons d’ailleurs nos pivoines corail « les métamorphoses ».
La tulipe française est tout aussi fascinante. Selon la quantité d’eau que vous mettez dans le vase, elle reste droite ou elle danse, elle ondule jusqu’à épouser les formes du récipient. Nous les appelons « les danseuses ».
8 – Quelles sont vos fleurs préférées ?
J’aime la perfection du Dahlia Pompon, l’incroyable symétrie de ses pétales. Je suis également très sensible à la délicatesse des pois de senteur, à la finesse des pétales de scabieuse, aux roses de jardin et aux gros hortensias.
Les fleurs apportent de la douceur, de la beauté, une certaine poésie à la vie. Elles ne demandent qu’à être regardées. En retour, elles suscitent de l’émotion. Une émotion simple, sincère, pour qui prend le temps de les contempler.
« Les fleurs apportent une certaine poésie à la vie. »
9 – Comment sélectionnez-vous vos fleurs ?
Nous avons à coeur de privilégier les fleurs françaises. Mais il faut être honnête : elles sont encore peu accessibles, parfois coûteuses, et pas toujours assez diversifiées pour répondre aux demandes de nos clients. Nous espérons voir cette filière se développer dans les années à venir.

10 – Les fleurs sont-elles soumises à la mode ?
Au cours de ma formation, j’ai découvert avec bonheur l’histoire de l’art et les grands courants floraux à travers les siècles. Aujourd’hui, nos sources d’inspiration sont multiples : les réseaux sociaux, les films – La Chronique de Bridgerton, par exemple, influence beaucoup les goûts actuels – , mais aussi les voyages. J’ai redécouvert le dahlia lors d’un séjour à Madrid, et en rentrant, j’ai eu envie de le travailler.
En ce moment, les bouquets champêtres sont à la mode. Mais chaque fleuriste a sa propre interprétation des tendances. Là où une fleuriste très structurée va composer un bouquet serré, une autre va préférer la légèreté en travaillant des feuillages et des petites fleurs. C’est ce mélange d’influences, de tempéraments, d’identités, qui fait la richesse de notre métier.
11 – Existe-t-il un langage des fleurs ?
Traditionnellement, chaque fleur et chaque couleur, portent en elles un symbole. La rose rouge évoque l’amour passionnel, la rose blanche, la pureté, la rose rose, la tendresse. Ce langage des fleurs, hérité de nos ancêtres, existe toujours mais il évolue.
Il varie selon les époques, les cultures et les générations. Nos grands-mères, par exemple, associaient l’oeillet au deuil. Aujourd’hui, on retrouve cette fleur dans des bouquets de mariage. À la Saint-Valentin, on dit qu’offrir une rose jaune est un signe de trahison, mais en plein été, la même rose jaune peut tout simplement symboliser le soleil. Pour moi la fleur n’a pas de langage figé. C’est une question de contexte.
Il existe aussi un langage protocolaire dans le cadre des institutions officielles. La présence ou l’absence de fleurs lors d’un événement est un choix engagé. Quand on voit des fleurs dans une cérémonie, c’est une manière discrète de dire qu’on a voulu donner de l’importance à cet événement.
« Les fleurs offrent un peu de réconfort aux personnes qui ont perdu un être cher. Elles leur rappellent que la vie continue. Offrir une fleur, c’est dire sans mots à l’autre, que l’on partage sa douleur, et que l’on rend hommage à celui ou celle qui nous quitte. »
12 – Les fleurs sont-elles une façon de dire aux gens qu’on les aime ?
Un simple bouquet sur la table est une façon de dire à ses convives qu’on les accueille avec joie. Lors d’un mariage, nous conseillons souvent aux mariés d’offrir les fleurs à leurs invités au moment du départ. Ce petit geste touche toujours.
Les fleurs trouvent de plus en plus leur place en entreprise. Elles permettent de créer du lien, elles mettent de la vie, dans des espaces souvent impersonnels. Elles créent une atmosphère plus humaine, plus douce, qui favorise naturellement les échanges.
En période de deuil, elles offrent un peu de réconfort aux personnes qui ont perdu un être cher. Elles leur rappellent que la vie continue. Offrir une fleur, c’est dire sans mots à l’autre, que l’on partage sa douleur, et que l’on rend hommage à celui ou celle qui nous quitte. C’est un geste d’affection, une manière d’accompagner le départ.
13 – Quelle est la signature Amarylice ?
Nos arbres. Nous avons réalisé une installation rue Gasparin, pour la boutique Pas de Printemps pour Marnie : un grand arbre, que nous avons habillé de bougainvilliers. Nos clients aiment que nos décors évoluent au rythme des saisons, même quand nous travaillons avec de la fleur artificielle. Nous sommes extrêmement exigeants sur la qualité de ces fleurs. Ce que nous recherchons, c’est l’illusion du vrai, pas l’effet plastique.
Amarylice
20, quai Qailleton
69002 Lyon
Photos : Nicolas Nova