Nom : Philippe Bel
Âge : 56 ans
Passions : Mon métier, la moto, voyager.
Distinctions : MOF Chocolatier 2004
Minimaliste et discret, le MOF Chocolatier Philippe Bel n’en est pas moins passionné. Sa philosophie : vendre uniquement ce qu’il fabrique pour en maîtriser toutes les subtilités. Et de subtilité ses chocolats artisanaux n’en manquent pas. D’un B barré plein d’humilité, ils créent de l’émotion tout en laissant une empreinte sensorielle forte.
1- Quel est votre parcours ?
À 15 ans, j’ai fait un préapprentissage dans une maison située dans les Yvelines où l’on m’a initié à la pâtisserie. Puis j’ai intégré la société Cacao Barry où j’ai découvert pour la première fois l’univers du chocolat. Mes années de CAP m’ont permis de déceler que j’avais une affinité pour cette matière ainsi que pour le travail des glaces.
Mon diplôme en poche, je suis retourné chez Cacao Barry où j’ai appris beaucoup de choses sur la fève et la transformation du chocolat en usine. Par la suite j’ai eu la chance d’intégrer une petite chocolaterie, chez Maiffret aux Champs Élysées, où je suis resté huit ans. J’en suis parti pour devenir responsable de production chez Lenôtre. Maison dans laquelle je suis resté huit ans également.
Puis l’envie d’évoluer m’a conduit à aller chez Weiss où j’ai commencé par être responsable de la confiserie. Ma hiérarchie ayant décelé qu’outre la technicité, je travaillais le chocolat de manière instinctive, ils m’ont proposé de devenir responsable de production de la chocolaterie et de la confiserie.
En 2OO4, j’ai remporté le titre de Meilleur Ouvrier de France. En 2006, j’ouvrais ma première boutique à Montbrison. Le début d’une nouvelle vie.
« Je travaille le chocolat de manière instinctive »
2- Pourquoi avoir souhaité passer le concours MOF Chocolatier ?
Je me suis inscrit au concours MOF grâce à la Maison Lenôtre, et plus particulièrement à mon collègue et ami Thierry Atlan que j’ai soutenu lors de ses entraînements. Le jour où il a été élu MOF Chocolatier (ndlr : en 1997), il m’a tendu sa veste en me disant «la prochaine fois ce sera toi». Il y avait une vraie émulation au sein de cette Maison qui donnait envie de se dépasser.
Je me suis donc inscrit en 2000 mais l’artistique m’a fait défaut. Je me suis réinscrit en 2004. L’envie d’être présent pour mes enfants m’a permis de prendre du recul face à la pression. J’ai alterné entraînements et moments de détente en famille ce qui m’a permis de passer le concours plus sereinement.
Après je dois admettre que je suis d’une nature exigeante. J’ai tendance à ne regarder que ce qui ne va pas et à considérer que ce qui est bien est normal. Je pense que c’est un trait de caractère nécessaire pour atteindre un haut niveau de qualité.
3- Pourquoi avez-vous choisi de vous installer en province ?
Je suis venu en province pour intégrer la maison Weiss dont le laboratoire se situe à Saint-Étienne. C’est dans cette entreprise que j’ai rencontré ma femme Cécile. Elle s’occupait de la partie marketing, commerciale et comptable.
J’ai décidé d’installer ma première boutique à Montbrison pour des raisons familiales et pour la qualité de vie. Il règne dans cette ville de 15 000 habitants une ambiance paisible qui me ressemble et dans laquelle je me sens bien.
4- Pourquoi vous êtes-vous installé sur Lyon ?
À l’origine, je n’avais pas particulièrement envie de m’implanter sur Lyon. Les loyers sont conséquents et bon nombre de mes confrères étaient déjà présents. Sauf qu’en 2007 mon travail a été remarqué par les Japonais lors du Salon du Chocolat de Tokyo. Ce sont des clients fidèles et dans l’affect, ce que j’apprécie vraiment. Mais quand ils venaient en France, ils devaient aller jusqu’à Montbrison pour me voir. J’en ai parlé avec des amis et confrères lyonnais. En 2009, la boutique rue Tupin dans le 2ème arrondissement de Lyon voyait le jour.
« Je souhaite que la Maison Bel reste à taille humaine »
5- Souhaitez-vous ouvrir d’autres boutiques ?
À l’origine mon souhait était de travailler seul avec ma femme dans la boutique de Montbrison. Il s’avère que la demande a augmenté et que nous avons fait le choix d’y répondre favorablement.
En 2013, nous avons déménagé le laboratoire à Andrézieux-Bouthéon afin de pouvoir produire dans de meilleures conditions. À la rentrée de septembre, nous repartons sur une série de travaux afin d’agrandir l’espace de 400 mètres carrés supplémentaires pour pouvoir stocker les fèves de cacao.
Il y aura peut-être une 4ème boutique en fonction des opportunités mais elle ne sera pas en propre. Aujourd’hui nous sommes une dizaine de collaborateurs tous sites confondus. Je souhaite que la Maison Bel reste à taille humaine. En outre, je ne veux pas grossir de trop pour ne pas m’éloigner du processus de création. Je ne veux pas perdre mon âme pour pouvoir continuer à transmettre aux gens mes sensations.
6- Torréfiez-vous vos fèves ?
C’est un souhait que j’ai et qui aurait dû voir le jour cette année. Mais faute de place pour le stockage des fèves, ce projet est reporté à l’année prochaine ou à l’année d’après en fonction de l’avancée des travaux d’agrandissement qui débuteront à la rentrée prochaine. En attentant, je produis mon chocolat à partir de la pâte de cacao.
L’inconvénient en partant de la pâte et non de la fève, c’est de ne pas pouvoir contrôler un ensemble d’éléments tels que le temps et le niveau de torréfaction, la manière dont la fève est conditionnée, stockée, transformée… Tous ces facteurs ont une influence sur les arômes. Partir de la fève me permettra d’avoir plus de maîtrise sur la chaîne de production. Je pourrai vendre uniquement ce que je fabrique, ce qui est ma philosophie.
7- Combien de variétés de fèves utilisez-vous ?
À ce jour 9 ! J’utilise des fèves sous forme de pâte de cacao provenant de Côte d’Ivoire, de Madagascar, d’Equateur, du Vénézuela, de Sao Tomé, du Pérou, du Vietnam, du Gana et de Colombie.
8- Chaque chocolat raconte-t-il une histoire ?
Bien souvent mes chocolats ont une histoire en effet. Prenons l’exemple du chocolat framboise-romarin. Un jour une de nos clientes est entrée dans la boutique. Après nous avoir parlé de ses chocolats préférés, elle nous a parlé de son jardin et notamment du mariage de la framboise et du romarin. il s’agit de deux plantes qu’elle cultive côte à côte et dont les parfums s’accordent merveilleusement bien. Elle nous a suggéré de tester l’accord et je m’y suis attelé.
Au début j’ai commencé par réaliser une ganache à la framboise puis je me suis tourné vers la confection d’une pâte de fruit pour gagner en intensité. Il m’a fallu trois essais pour parvenir à obtenir ce que je voulais : un goût fruité sublimé par la subtilité de l’extrait naturel de romarin.
9- Proposez-vous des associations atypiques ?
Oui, le chocolat curry-coco par exemple ! C’est un accord créé il y a quelques années que je suis en train de retravailler. L’intitulé peut paraître surprenant mais j’ajoute de la pâte d’amandes ce qui vient adoucir le côté épicé du curry. Ce chocolat m’a été inspiré en cuisinant un plat que j’aime beaucoup : un curry d’agneau coco.
« Être accessible fait partie de ma philosophie. «
10- Des chocolats à moins de 100€ le kilo, une volonté d’être accessible à tous ?
On entend souvent dire « si c’est cher c’est que c’est bon ». Eh bien non, ce n’est pas mon ambition. Personnellement, mon moteur n’est pas l’argent. J’ai juste envie de vivre normalement de mon travail tout en procurant et en transmettant mon plaisir à un maximum de personnes. Mes prix sont raisonnables, ce qui n’empêche pas mon travail d’être reconnu comme qualitatif.
Au même titre que la culture dans un musée, il est important que tout le monde puisse avoir accès à des choses de qualité. Après j’ai des charges et on ne me fait pas de cadeaux. L’augmentation du prix du beurre en est un exemple. Mais être accessible fait partie de ma philosophie et je continuerai dans cet état d’esprit.
11-Quel est votre leitmotiv dans la vie et/ou une citation qui vous inspire?
« Fuis la gloire et les honneurs ». « Sois honnête avec toi-même ». Je pense qu’il ne faut jamais arrêter de se remettre en question et ne jamais se suffire de ce que l’on fait.
12- Quels sont vos projets pour demain et/ou le rêve que vous souhaiteriez réaliser ?
Continuer ce que j’ai mis en place et commencer le travail à partir de la fève de cacao. J’y arrive petit à petit. Le seul regret que j’ai, c’est de m’être lancé en indépendant tard. Je ne pourrai pas en profiter longtemps. Mais je suis fier d’avoir bâti une entreprise que quelqu’un pourra reprendre. Quelqu’un qui aura mon âme et ma philosophie et qui viendra pérenniser ce qui a été créé avec passion.
Philippe Bel
27, rue Tupin
69002 Lyon
Tél : 04 78 42 87 94
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Photos hors couverture : Site Philippe Bel