Références gastronomiques

Christian Têtedoie

8 août 2016
Christian Têtedoie l'Antiquaille

Nom: Christian Têtedoie
Âge : 54 ans
Profession : Cuisinier, qui est pour moi un des plus beaux métiers.
Passions : La cuisine. Les fleurs et particulièrement la rose. Je suis d’ailleurs très heureux qu’il y en ait une aujourd’hui qui porte mon nom. J’ai eu la chance de grandir avec un grand-père qui m’a appris comment créer une rose et qui a cherché toute sa vie à en faire naître une noire. L’ébénisterie pour le côté technique et le travail du bois qui est une matière que j’affectionne beaucoup.
Lieu de résidence : Lyon

Sur les hauteurs de Lyon, à l’Antiquaille, le chef étoilé et Meilleur Ouvrier de France Christian Têtedoie nous parle de son parcours et de son engagement.

1- Quels sont vos vins préférés ?

Les vins blancs de Bourgogne, en particulier le Chassagne-Montrachet. Et les rouges puissants de la Vallée du Rhône avec un goût prononcé pour le Crozes-Hermitage.

2- Avez-vous un plat préféré et/ou une madeleine de Proust ?

La blanquette de veau quand elle est bien faite.

3- Quel est votre péché mignon ?

Sans hésiter, le chocolat ! J’évite d’ailleurs d’en avoir chez moi. J’en ai assez en cuisine comme ça !

4- Y a-t-il un produit que vous aimez particulièrement cuisiner ?

J’aime cuisiner tous les produits, sans exception. Et c’est toujours un réel plaisir de réconcilier quelqu’un avec un produit qu’il pensait ne pas aimer. Par exemple, la tête de veau qui est l’une de mes spécialités.

5- De quoi ne pourriez-vous pas vous passer en cuisine ?

Je mets du soja un peu partout mais discrètement, en soutien de goût. Ainsi que des épices, avec parcimonie. Elles ne doivent pas masquer la saveur d’un plat mais subtilement l’élever du commun sans prendre le dessus.
« Et le beurre papa ! Rappelle-toi Noël dernier, tu en mettais partout » ajoute sa fille Léa d’un regard complice.
Ah oui, d’ailleurs on m’appelle le marchand de beurre. J’adore le beurre frais qui adoucit, celui qui caresse le poisson après l’agression de la cuisson.

« Je fais une cuisine pour qu’elle plaise »

6- Qu’aimez-vous dans la cuisine et pourquoi avoir choisi d’être cuisinier ?

J’ai su à sept ans que je voulais devenir cuisinier. À douze ans j’organisais déjà un banquet pour 70 couverts. Issu d’une famille de maraîchers je n’étais pas prédestiné à être cuisinier mais la gourmandise m’a poussé vers ce métier. J’aime cuisiner pour les autres et les voir heureux.

Je fais une cuisine pour qu’elle plaise en proposant des plats simples, épurés où le produit est mis en avant. La complexité se joue dans les sauces, le respect des cuissons, la qualité des produits. Pour l’accompagnement, je m’inspire souvent de l’alimentation de l’animal que je prépare. Je propose par exemple à la carte en ce moment une crème de maïs avec du lapin.

Parallèlement j’aime mélanger les genres. Créer la surprise en proposant des fruits en accompagnement principal et des légumes en second plan. J’ai l’exemple d’un gibier que je proposais avec des poires et des myrtilles. Un vrai régal !

7- Quel est votre parcours ?

J’ai démarré une formation en pré-apprentissage pendant deux ans, puis j’ai poursuivi en apprentissage pendant deux ans également. À 17 ans et demi j’ai obtenu mon CAP Cuisine. En 1979, j’ai été élu Meilleur Apprenti Cuisinier de France et j’ai commencé à travailler chez Paul Bocuse.

Par la suite j’ai fait mon service militaire à l’Élysée. À l’époque les Meilleurs Apprentis étaient directement mis au service des Présidents. J’ai donc pu cuisiner pour Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand. Ce fut une belle expérience qui m’a ouvert les portes de l’Hôtel de Greuze à Tournus. Et d’autres maisons aussi prestigieuses par la suite.

À la naissance de notre premier enfant j’ai eu envie de me poser. J’ai donc intégré le restaurant de Georges Blanc à Vonnas en qualité de chef de cuisine pendant deux ans. À 26 ans j’ai eu envie de m’installer. Aidé de mon épouse, nous avons trouvé un local quai Jean Moulin où nous sommes restés durant trois ans. Comme nous avions beaucoup de clients et qu’un deuxième enfant allait naître, nous avons cherché un local plus grand avec un appartement attenant pour pouvoir concilier notre vie de famille avec le rythme qu’impose le milieu de la restauration.

C’est ainsi que nous nous sommes installés quai Pierre Scize en 1990. En 1996, j’ai été élu Meilleur Ouvrier de France. En 2000, j’ai obtenu une étoile au Michelin. Et en 2010 nous sommes partis pour l’Antiquaille, un ancien hôpital qui a été difficile à réhabiliter mais qui m’a forcé à garder en tête qu’il faut toujours croire en ses rêves. Bref, l’année prochaine nous fêterons déjà les 30 ans de la Maison Têtedoie. Ce qui ne me rajeunit pas ! (Rires)

« C’est avec la répétition qu’on devient compétent »

8- Nombreux sont vos engagements. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

Auprès des jeunes « clients » avec la création d’un menu à 80€ vin compris pour les moins de 30 ans le dimanche soir. 

La semaine du goût a été un véritable succès. Cet événement nous a montré l’intérêt de la nouvelle génération pour les plaisirs de la table. La politique de la chaise vide n’étant jamais bien souhaitable, c’est une façon pour nous de montrer le travail qu’on réalise, la passion qui nous anime et le plaisir que l’on veut transmettre à nos clients de demain.

– Auprès des jeunes « professionnels de la table » en les parrainant.

Nombreux sont les jeunes qui ont la volonté d’entreprendre mais qui n’osent pas. C’est important de les épauler dans leurs projets. Aujourd’hui, sur des petits établissements de trente couverts, en espérant que demain ils aient la volonté de reprendre les belles tables qui font notre fierté.

– Lors de la signature du manifeste « Touche pas à mon commis ».

Je pense qu’il est important de dire ce qui est tolérable et ce qui ne l’est pas. On passe beaucoup d’heures ensemble en cuisine et il est primordial que les choses se passent bien et qu’on se fasse plaisir. Une cuisine n’est pas une cour d’école mais un sanctuaire où chacun doit respecter son prochain.
Il y a toujours eu des paroles et des gestes directifs pour avancer en cuisine, mais cette violence est nouvelle. Sûrement liée à une régression sociale.

Les chefs ont certes plus de pression à gérer mais s’ils ne savent pas se contrôler, ils ne sauront pas transmettre les bons gestes. Ils doivent également être plus patients face à des jeunes plus hermétiques à l’apprentissage, des jeunes qui ont le sentiment de maîtriser une recette après l’avoir réalisée une fois. C’est avec la répétition qu’on devient compétent. La répétition et la remise en question.

– Lors de la création de l’application « Nos producteurs, nos chefs ».

Cette application est un très beau projet, pour plusieurs raisons. Elle permettra aux chefs engagés dans le local d’être transparents en montrant qu’ils travaillent avec des producteurs de proximité. Elle permettra aussi de faciliter les démarches en mutualisant les commandes et en nous permettant d’avoir accès à de plus gros volumes. Je suis parfois frustré de ne pas pouvoir mettre au menu certains plats parce que je n’ai pas un produit en quantité suffisante. Cette application qui devrait voir le jour mi-septembre doit être encouragée car elle contribuera à faire vivre nos producteurs. Tout en mangeant local, sain et bon.

« Il faut beaucoup d’humilité au cuisinier pour se remettre chaque jour à sa tâche et faire mieux pour paraître aussi bien »

9- Pourquoi avoir choisi de vous installer sur Lyon ?

C’est la plus belle place du monde. Sans compter qu’avec avec la Bresse et les Dombes, nous avons un véritable garde-manger à côté. Nous sommes gâtés !

10- Quels sont les établissements lyonnais que vous recommanderiez ?

Le Lyon’s Gastropub, le Café Terroir et le Café du Peintre.

11- Quel établissement aimeriez-vous tester ?

Les Apothicaires.

12- Quel est votre leitmotiv dans la vie et/ou une citation qui vous inspire ?

« Il faut beaucoup d’humilité au cuisinier pour se remettre chaque jour à sa tâche et faire mieux pour paraître aussi bien » de Georges Blanc.

13- Quel livre recommanderiez-vous ?

Le bonheur d’entreprendre : De Novotel à Accor, une formidable aventure humaine par Jean-Philippe Bozek. L’histoire de deux chefs d’entreprise qui ont su bâtir un empire en mettant l’humain au centre de l’entreprise.

14- Quels sont vos projets pour demain et/ou le rêve que vous souhaiteriez réaliser ?

(Sourire de sa fille, Léa) Mon rêve utopique serait de créer une sorte de parc Disney de la cuisine. Il y aurait des ateliers, des jeux ludiques. Un bon moyen de découvrir et de démocratiser l’univers des métiers de bouche tout en s’amusant.


Christian Têtedoie
Terrasse de l’Antiquaille
4, Rue du Professeur Pierre Marion
69005 Lyon

Tél : 04 78 29 40 10
Site web

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