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Sigolène du Besset, Éditions du Gros Caillou

19 juin 2025
Portrait de Sigolène du Besset, directrice de la maison d'édition indépendante les Éditions du Gros Caillou.

Sigolène du Besset, directrice des Éditions du Gros Caillou, a fait le choix de changer de cap par amour pour les livres. Une reconversion évidente, portée par l’envie de partager des histoires qui résonnent longtemps après la dernière page. Au coeur de cette maison d’édition indépendante tournée vers le suspense, chaque manuscrit est sélectionné avec soin et défendu avec conviction. Le but de chaque roman : susciter l’émotion, faire vibrer le lecteur. Comme aime le dire l’équipe des Éditions du Gros Caillou : « Il nous reste tant de pages à vivre ». 

Une reconversion portée par ma passion des livres 

Avant d’intégrer le monde de l’édition, j’ai suivi un parcours classique. J’ai étudié à l’université Paris-Dauphine, où je me suis spécialisée en gestion et en marketing. Ma carrière a d’abord démarré dans le secteur de la grande consommation, avec une première expérience en conseil, puis j’ai rejoint une grande entreprise agroalimentaire où je me suis consacrée au développement commercial.

Depuis plusieurs années, je nourrissais le désir de changer d’univers professionnel. Grande lectrice, j’ai toujours été fascinée par le monde du livre. Longtemps, je n’ai pas vu de passerelle évidente entre mon métier et cet univers, jusqu’à ce que j’ai un déclic en 2019. Je me suis dit que je pourrais devenir libraire.

La librairie représente pour moi une synergie parfaite entre mes compétences commerciales et ma passion pour la lecture. J’ai donc commencé à me former auprès d’un organisme spécialisé – Book Conseil – tout en poursuivant mon activité professionnelle, par sécurité. Mon objectif initial était d’ouvrir une librairie en région parisienne, où je résidais alors.

Mais plusieurs facteurs – notamment l’arrivée d’un autre projet de librairie dans la même ville et des raisons personnelles – m’ont poussée à changer de cap. Je me suis installée à Lyon, ville que je ne connaissais pas encore bien, mais où vivent mes parents.

Par chance et un peu par hasard, j’ai répondu à une annonce publiée par une jeune maison d’édition lyonnaise fondée par quatre amis : Les Éditions du Gros Caillou. Le courant est passé tout de suite entre nous. Très vite, ils m’ont proposé de rejoindre l’aventure comme première salariée puis comme associée. 

Être éditrice, c’est réaliser un rêve d’enfant 

Mon attrait pour l’édition est né d’un lien profond avec les livres, présent depuis l’enfance. J’ai eu la chance de grandir dans une famille où l’on lisait beaucoup. J’ai toujours considéré les livres comme des objets magiques. Être éditrice c’est réaliser un rêve d’enfant – le mien, mais aussi celui des auteurs.

Recevoir un manuscrit, le lire, y croire, appeler un auteur pour lui dire qu’on veut l’éditer, c’est un moment incroyablement fort. Pour beaucoup, c’est l’aboutissement d’un parcours d’écriture difficile, semé de silences ou de refus. L’édition, c’est créer, mais c’est aussi accompagner, faire éclore un projet.

Il y a aussi une dimension entrepreneuriale très stimulante. C’est une aventure humaine collective. C’est tout cela, je crois, qui me donne envie de continuer chaque jour. 

« Le caillou est une métaphore de ce que l’on souhaite créer : une maison solide, pérenne, qui grandisse dans le temps. »

Les Éditions du Gros Caillou : une maison d’édition humaine, engagée et indépendante

Les Éditions du Gros Caillou se sont construites autour d’un ancrage local fort. Le nom de notre maison d’édition fait d’ailleurs référence à un symbole du quartier de la Croix-Rousse, là où deux des fondateurs ont grandi. Le “caillou” est une métaphore de ce que l’on souhaite créer : une maison solide, pérenne, qui grandisse dans le temps.

À ses débuts, notre maison d’édition a publié des auteurs lyonnais ou des textes évoquant la région. Mais dès le départ, notre volonté était de faire rayonner les Éditions du Gros Caillou à l’échelle nationale. Notre catalogue compte aujourd’hui des auteurs provenant de toute la France. Lyon est une richesse, pas une limite.

Nous avons fait le choix d’être une maison d’édition à taille humaine. Chaque texte est sélectionné avec soin et défendu avec conviction. Nous tissons un lien de confiance avec les auteurs que nous accompagnons. 

Chez nous, chaque manuscrit est lu. Ce n’est pas une promesse marketing, c’est un engagement réel, même si cela représente un travail énorme – près de 600 à 700 manuscrits reçus depuis notre création. Nous tenons à tout regarder, parce que nous savons que derrière chaque envoi, il y a une personne, un effort, un espoir.

Être une maison d’édition indépendante : une liberté et un défi ! 

Pour nous, l’indépendance est à la fois notre plus grande force et notre principal défi. L’indépendance nous apporte une grande liberté. Nous décidons de nos choix éditoriaux, de notre manière de travailler un texte, de notre stratégie de publication (date de sortie, couverture, diffusion, etc.).

Le fait de ne pas avoir de contraintes imposées par un grand groupe nous permet d’être flexibles et d’évoluer rapidement. Par exemple, nous avons revu notre charte graphique, changé de papier, d’imprimeur. Autant de choses qu’un grand groupe mettrait des mois à valider.

Mais cette indépendance a aussi un côté plus fragile. Le secteur de l’édition est aujourd’hui ultra-concentré. De nombreuses maisons que l’on croit indépendantes appartiennent en réalité à des groupes puissants. Quand on est une structure comme la nôtre, à taille humaine, il faut redoubler d’efforts pour se faire une place. Être éditrice aujourd’hui, c’est savoir vendre, convaincre, nouer des liens. Ce sont les relations humaines qui permettent au livre d’exister.

Par exemple, pour toucher les libraires – qui reçoivent chaque jour des dizaines de livres -, il faut réussir à attirer leur attention. C’est un combat quotidien, d’autant plus difficile face à des maisons d’édition qui disposent de moyens considérables pour communiquer et faire la promotion de leurs livres.

Le Festival du Livre de Paris, ou Quais du Polar – où l’un de nos auteurs a été invité cette année – sont des rendez-vous précieux qui nous permettent de créer du lien avec les lecteurs et de mettre en lumière la qualité des textes que nous défendons. 

« Nous souhaitons partager des histoires qui résonnent longtemps après la dernière page. »

Les Éditions du Gros Caillou : une maison d’édition dédiée au suspense. 

Le roman à suspense n’était pas une évidence au début. Notre maison aurait pu tout aussi bien publier des récits variés. Mais très vite, il est apparu essentiel d’avoir une ligne claire. D’une part, cela aide les libraires à nous positionner. Et d’autre part, c’est un genre que nous aimons.

Notre ligne n’est pas celle du “polar pur et dur”. Nos livres parlent d’amour, de deuil, de rédemption, d’emprise, etc. Ce sont des romans humains, construits autour de personnages forts. C’est cette tension, à la fois narrative et émotionnelle, qui rend nos textes vibrants. 

Nous souhaitons partager des histoires qui résonnent longtemps après la dernière page. Qu’il fasse frissonner, réfléchir, pleurer ou sourire, un bon roman doit provoquer une émotion. Comme on aime le dire : « ll nous reste tant de pages à vivre. »

Lyon, ma ville d’adoption 

Il y a sur Lyon une richesse culturelle et un dynamisme qui me rappellent Paris. C’est une ville qui offre un cadre de vie extrêmement agréable. Cela peut paraître cliché, mais j’aime me promener dans le Vieux Lyon. Ce quartier a une âme, et il y a toujours quelque chose de magique à découvrir, comme les traboules. J’aime également me balader au parc de la Tête d’Or. Cet espace vert en plein coeur de la ville est un luxe et une véritable chance  ! 

Mon quartier de cœur : la Croix-Rousse

Parmi tous les quartiers lyonnais, la Croix-Rousse occupe une place spéciale pour moi. J’y ai passé beaucoup de temps, notamment parce que notre maison d’édition a racheté la librairie des Canuts, située place de la Croix-Rousse. C’est une des plus anciennes librairies de la ville, avec une histoire centenaire. Nous avons réalisé d’importants travaux de rénovation, et aujourd’hui, c’est un lieu magnifique qui continue de faire vivre l’univers du livre. Même si je ne suis pas dans la gestion quotidienne de la librairie, j’ai développé une vraie affection pour ce quartier. J’adore cette ambiance de village, à la fois douce et joyeuse.

« Lire est aussi vital pour moi que respirer. »

La littérature, une présence indispensable

La littérature fait partie de ma vie depuis toujours. Lire est aussi vital pour moi que respirer. C’est un espace d’évasion sans frontières. Quand je suis plongée dans un livre, plus rien n’existe autour de moi.

Contrairement à un film qui nous impose un cadre, un livre laisse libre cours à notre imagination. Ce qu’on projette dans notre lecture vient de nous, de notre histoire, de nos souvenirs. Le roman devient une œuvre unique, propre à chacun.

Lire, c’est aussi s’ouvrir à d’autres mondes, d’autres cultures, d’autres époques. Je suis très curieuse, et à travers les livres, j’ai l’impression d’apprendre et de voyager à l’infini. C’est une liberté extraordinaire, et sûrement la plus accessible. 

Je suis toujours agréablement surprise de ressentir des émotions profondes en lisant des textes écrits il y a plusieurs siècles. Ça montre à quel point la littérature est intemporelle et universelle.

La littérature fait réfléchir et grandir. C’est un dialogue silencieux entre l’auteur et le lecteur. Une sorte d’intimité invisible. Et parfois, c’est dans ce dialogue que quelque chose de merveilleux se transforme en nous.

Les livres qui ont laissé une empreinte

Dans ma vie, il y a des lectures fondatrices telles que : 

Agatha Christie, mes premières enquêtes

Adolescente, j’ai lu énormément d’Agatha Christie. Ce sont des lectures qui ont compté pour moi. Je garde une affection particulière pour les romans policiers. J’aime être entraînée dans une énigme, avec la promesse d’une résolution.

L’élégance anglaise : Jonathan Coe

Parmi les auteurs que j’aime retrouver, il y a aussi Jonathan Coe. Je n’ai pas tout lu, mais plusieurs de ses livres m’ont beaucoup marquée. Il y a quelque chose d’un peu décalé dans son univers, qui me plaît beaucoup. Et en même temps, c’est toujours pertinent.

Gaëlle Nohant, la richesse des émotions

Côté français, je pense à l’autrice contemporaine Gaëlle Nohant. J’ai lu quatre ou cinq de ses livres, et à chaque fois, elle m’emporte complètement. Elle est capable d’aborder des thèmes très variés, avec une vraie rigueur narrative. Ses personnages sont toujours très bien travaillés. C’est passionnant ! 

 Lectures tous horizons et imaginaire en construction

Je n’ai pas de genre fétiche, je lis vraiment de tout. En ce moment, je m’ouvre davantage à la littérature de l’imaginaire : fantasy, romance fantasy, science-fiction, dystopie… C’est un univers que je découvre en tant que lectrice, et qui m’inspire aussi dans mon travail éditorial. Nous préparons d’ailleurs notre premier texte de ce genre pour 2026.

« Je trouve merveilleux de pouvoir se dire chaque jour qu’on a appris quelque chose.  »

Ce qui m’anime au quotidien : la curiosité

S’il fallait résumer en un mot ce qui me fait vibrer, je dirais sans hésiter : la curiosité. J’aime découvrir de nouvelles choses, peu importe le domaine. Lire, bien sûr, mais aussi le théâtre, le cinéma, les voyages, etc. Je trouve merveilleux de pouvoir se dire, chaque jour : « Aujourd’hui encore, j’ai appris quelque chose. »

Le livre que je rêverais d’éditer : celui qui rencontre son public

Je rêverais d’éditer un livre qui soit un succès en librairie. Parce qu’au fond, c’est aussi ça le rôle d’un éditeur : faire exister un livre, le porter, lui donner sa chance. Il y a tellement de très bons textes qui ne trouvent pas leur public… C’est toujours un peu déchirant.

« Chaque bon livre mérite sa chance. »

Et pour la suite ?

Les projets ne manquent pas ! Le grand défi aujourd’hui, c’est de faire en sorte que la maison d’édition devienne rentable – ce qui n’est pas encore le cas après trois ans d’existence. Pour ça, il nous faut des livres qui marchent, des textes qui dépassent leur premier cercle de lecteurs et qui s’imposent sur la durée. On travaille beaucoup, en ce moment, sur la littérature de l’imaginaire, avec une sortie prévue pour 2026. C’est un vrai tournant éditorial, et on y croit fort.

On a aussi un texte tout juste sorti – Ne reste que la nuit de Rose Mallai – sur lequel on fonde beaucoup d’espoirs. Et puis, bien sûr, on vise des réimpressions, des succès en format poche, la vente de droits à l’étranger, la reconnaissance par des prix littéraires… On a récemment eu un livre en sélection pour le Grand Prix des Lectrices de Elle, c’est une vraie fierté ! 

Dans un secteur aussi difficile que l’édition, chaque victoire compte. Quand un libraire met votre livre en avant, quand un journaliste a un coup de coeur pour un texte, quand un lecteur vous écrit pour dire qu’il a été bouleversé… Ce sont des moments précieux. 

Alors voilà, on avance à petits pas, avec beaucoup d’énergie, une belle équipe, et toujours cette conviction : chaque bon livre mérite d’avoir sa chance.

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