Références gastronomiques

Perrine et Étienne Schaller, Collection d’Agrumes Extraordinaires

23 janvier 2025

Ingénieurs agronomes, Perrine et Étienne Schaller ont repris le domaine des Agrumes Bachès en 2017 avec la volonté de préserver la biodiversité. C’est à Eus, dans le village le plus ensoleillé de France qu’ils produisent plus de 1000 variétés d’agrumes d’exception en agriculture biologique. Étendu sur 2 hectares, le domaine des agrumes Schaller est un éden méridional ressourçant où les fruits aux palettes chromatiques et aromatiques variées se distinguent élégamment d’un feuillage luxuriant persistant.

Il suffit d’un coup d’oeil pour comprendre que les agrumes sont un terrain de jeu infini pour qui aime la fraîcheur, les fines acidités et les nobles amertumes. Étienne Schaller nous parle de cette aventure acidulée qu’ils ont décidé d’écrire avec sa femme Perrine. Il évoque leur collaboration avec des chefs étoilés et leur envie de faire découvrir leur univers aux particuliers à travers la dégustation de leurs fruits et de leurs produits d’épicerie originaux et innovants. 

Portrait de perrine et Étienne Schaller.

1- Quelle est l’histoire du domaine des Agrumes Bachès, aujourd’hui agrumes Schaller ? 

L’histoire a commencé en 1982 à Eus, dans les Pyrénées-Orientales. Michel Bachès a transformé l’exploitation arboricole de son père en pépinières. Au début des années 90, Michel a rencontré Bénédicte. Ensemble, ils ont décidé de se spécialiser dans la culture d’agrumes.

C’est ainsi qu’ils ont créé leur jardin des Hespérides. À travers leurs voyages et leurs différentes rencontres, ils ont petit à petit constitué une collection dont certains disent qu’elle serait la plus grande d’Europe. Parmi les multiples variétés cultivées, il y avait du yuzu, des mains de Bouddha, du citron caviar, ce qui était assez novateur à l’époque. L’arrivée de ces fruits n’a pas laissé indifférent les grands chefs à l’image d’Alain Ducasse, Anne-Sophie Pic, Pascal Barbot ou encore William Ledeuil.

2 – Comment avez-vous découvert le domaine des Agrumes Bachès ?

Avec Perrine nous sommes ingénieurs agronomes. Après trois années passés à enseigner et à travailler pour la préservation de la biodiversité endémique en Nouvelle-Calédonie, nous avions envie de nous lancer dans un nouveau projet. Nous pensions créer un domaine autour des fraises de variétés rares. En travaillant sur le sujet, nous nous sommes rendus compte qu’il existait un catalogues de variétés de fraises absolument prodigieux, alors que nous n’en consommons qu’une dizaine. C’est en faisant des recherches sur le sujet que nous sommes tombés sur un article indiquant que le domaine des Agrumes Bachès était à vendre. Nous l’avons repris en 2017. 

3 – Qu’est-ce qui vous passionne dans la culture des agrumes ? 

J’adore les cueillir et imaginer la personne qui va les manger. Les fruits sont riches de sens et de symboles. Leur capacité à nourrir et à produire de nouvelles graines incarne l’abondance. En Orient, l’orange symbolise la chance et la prospérité. Il est fréquent d’en manger lors du Nouvel An Chinois. On retrouve dans ces traditions la dimension précieuse de ce fruit, comme il l’était à l’époque de mon grand-père qui recevait comme cadeau à Noël une orange et un carré de chocolat. 

La conversion en bio était pour nous un engagement essentiel tant pour la terre, que pour ceux qui travaillent à nos côtés et ceux qui consomment nos produits.

4 – Pourquoi la conversion du domaine en bio a-t-il été une évidence pour vous ? 

En tant qu’ingénieurs agronomes nous connaissons les conséquences des différentes pratiques culturales pour la santé et l’environnement. La conversion en bio était pour nous un engagement essentiel tant pour la terre, que pour ceux qui travaillent à nos côtés et ceux qui consomment nos produits. Les agrumes pouvant se manger entièrement, il est d’autant plus important qu’ils soient bio. S’il faut blanchir un zeste plusieurs fois pour le consommer, son parfum s’évapore. Quand nos yuzus arrivent à maturité, ils peuvent être utilisés en l’état. 

Les conditions climatiques de la région et notre mode de culture font que nos agrumes sont naturellement exceptionnels. Nous n’avons pas mis en place des choses révolutionnaires. Comme on dit : « le diable se cache dans les détails ». Ce sont des petites actions quotidiennes qui font la différence, des gouttes d’eau dans une rivière. 

Cueillette des agrumes au domaine Schaller

5 – Comment l’idée de travailler avec des chefs est-elle venue ? 

À travers notre métier nous avons la volonté de préserver la biodiversité. Pour pouvoir en vivre, il faut trouver un intérêt économique à cette biodiversité. Travailler avec des chefs en quête d’originalité pour leurs plats a été une idée ingénieuse de la part de nos prédécesseurs. Avec plus de 4000 variétés recensées, les agrumes sont un terrain de jeu infini et une source de créativité sans limite pour ces passionnés.

Plus les chefs aiment travailler les agrumes, moins ils les transforment. Comme s’ils considéraient que le produit méritait d’être découvert à l’état naturel.

6 – Comment votre collaboration avec eux se passe-t-elle ? 

En général ils viennent au domaine découvrir la collection d’agrumes que nous proposons. Anne-Sophie Pic travaille une cinquantaine de variétés. Son univers sensoriel est vraiment exceptionnel. C’est intéressant pour nous de travailler avec des chefs qui ont un sens aigu du goût et c’est valorisant de voir la manière dont ils transforment nos produits. Fait amusant, nous nous sommes aperçus que plus les chefs aiment travailler les agrumes, moins ils les transforment. Comme s’ils considéraient que le produit méritait d’être découvert à l’état naturel.

7 – Certaines recettes réalisées avec vos produits vous ont-elles marqué ? 

De nombreuses ! Je pense à un dessert plein de fraîcheur chez Pascal Barbot. Dans l’esprit d’une cigarette russe, il a disposé de multiples herbes aromatiques et une pointe de yuzu dans un écrin de sucre fin. En bouche, on distingue le sucre qui craque sous la dent, la fraîcheur des herbes aromatiques et enfin les notes de yuzu qui interviennent, comme le bouquet final d’un feu d’artifice. 

Anne-Sophie Pic propose un bar de ligne avec du caviar osciètre dans lequel elle ajoute du kabuso ou du jabara (descendant du yuzu). Il s’agit d’un plat créé par le père de la cheffe en 1971. Le poisson est cuit délicatement à la vapeur jusqu’à devenir translucide. Il est ensuite garni de caviar osciètre et entouré d’une sauce au beurre à base de champagne Salon. Nos agrumes sont également utilisés dans un autre de ses plats emblématiques : les berlingots, coulant au crémeux de chèvre de Banon légèrement fumé, consommé au cresson infusé au gingembre et à la bergamote.

Alain Ducasse adore les agrumes. Il décore la salle du Meurice avec nos produits et demande ensuite à son chef exécutif Amaury Bouhours de les transformer en condiments pour pouvoir les utiliser tout au long de l’année. À travers leurs différentes formes, tailles, textures, couleurs, je trouve qu’il y a une vraie dimension artistique autour de ces fruits gorgés de soleil.  

Produits d'épicerie autour des agrumes bio du domaine Schaller.

8 – Pourquoi avez-vous souhaité rendre votre travail accessible à tous à travers la dégustation et la vente directe au domaine ? 

Quand nous avons repris le domaine, nous ne travaillions qu’avec des restaurants. Lors du confinement, nous avions beaucoup de produits à vendre. Nous avons commencé à proposer des paniers aux particuliers et comme il restait encore des fruits, nous avons créé une gamme de produits transformés originale et novatrice.

Les dégustations et la vente directe s’organisent au domaine les mercredis et les vendredis matins. L’idéal est de venir l’hiver quand les fruits atteignent leur degré optimal de maturité, ou au printemps pendant la floraison. En parallèle, nous proposons des abonnements pour recevoir des paniers incluant différentes variétés d’agrumes accompagnés de quelques petits bocaux.

9 – Quels sont les fruits et les produits d’épicerie qui rencontrent le plus de succès ? 

Le yuzu, la main de Bouddha, le cédrat, la bergamote, le kabosu et la mandarine ont beaucoup de succès. Le citron Meyer plait également beaucoup avec sa peau douce aux notes délicates de thym et de safran. Une tranche dans de l’eau chaude en infusion l’hiver, c’est super ! Nos deux petits garçons adorent les mandarines. Il s’agit d’une variété ancienne très parfumée. Le petit dernier apprécie également le citron caviar pour sa texture ludique et son goût de bonbon acidulé. Côté épicerie, l’infusion de yuzu en gelée et la pâte à tartiner de bergamote rencontrent un franc succès. 

10 – Le terroir a-t-il un impact sur le goût des fruits ?

Oui ! On en parle beaucoup pour la vigne mais il en est de même pour les fruits et les légumes. Notre sol, constitué principalement d’argiles fins, de marnes roses, de granite et de gneiss, donne aux agrumes un goût unique. La même variété plantée à 100 mètres d’écart produire des fruits aux goûts très variés. 

Le climat joue également un rôle important. Eus est réputé pour être le village le plus ensoleillé de France avec 320 jours de soleil par an. Cependant, les nuits sont fraîches en hiver. Le domaine situé au pied du mont Canigou bénéficie d’écarts de température importants dans la journée. Cette amplitude thermique, très marquée pendant la saison des agrumes, permet d’obtenir des fruits à la palette chromatique et à la richesse aromatique unique.

11 – Avez-vous rencontré des difficultés pour implanter certaines variétés d’agrumes en France ? 

Il fait relativement froid en France pour cultiver des agrumes. C’est la raison pour laquelle il y a peu de producteurs d’agrumes dans notre pays. On en trouve un peu en Corse, un peu à Menton (le citron) mais c’est anecdotique par rapport à ce qu’il peut se faire en Espagne. Certaines variétés d’agrumes telles que le yuzu nécessitent une attention particulière. L’arbre est peu sensible au gel, mais le fruit l’est. Nous nous sommes adaptés en mettant en place des serres non chauffées pour les protéger. 

12 – Comment vous viennent les idées de créations variétales? 

Grâce à leur diversité, les agrumes sont dotés de grandes facilités d’hybridation naturelle. 

En général, nous prenons deux variétés d’agrumes que nous apprécions, nous semons les pépins des fruits et nous voyons ce que cela peut donner quelques années plus tard. Si c’est prometteur, nous le multiplierons par greffage. Il faut compter 15 à 20 ans pour avoir une véritable production et une idée précise du produit fini. C’est un pari sur l’avenir. Nous ne sommes pas un institut de recherches. Nous faisons cela de manière modeste et empirique. Mais se dire que les variétés sur lesquelles nous travaillons aujourd’hui seront potentiellement utilisées par les chefs de demain est excitant. 

Collection d'agrumes aux couleurs variées.

13 – Quel est votre leitmotiv dans la vie et/ou une citation qui vous inspire?

Quoi qu’il arrive, il faut continuer à avancer et toujours regarder devant soi.

14 – Quel est votre projet pour demain et/ou le rêve que vous souhaiteriez réaliser ? 

Nous venons de déposer un permis de construire pour créer des petites serres dédiées à l’accueil du public. En parallèle, nous travaillons sur un projet de spiritueux, sujet qui me passionne ! Pour finir, j’aimerais passer plus de temps avec nos deux petits garçons de 3 et 5 ans afin de partager des moments privilégiés avec eux et leur transmettre des valeurs qui nous tiennent à coeur. 

Agrumes Schaller
Perrine et Étienne Schaller
Las Feyches
66500 Eus

contact@agrumesbaches.com

Site

Photos : Agrumes Schaller et La Plume d’Adam

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