Nom: Joseph Viola
Surnom : Pepo
Âge: 50 ans
Passions: L’automobile, l’horlogerie et particulièrement les montres, la peinture. En fait, tout ce qui demande de la précision, de la minutie, du détail, un travail artisanal. Le travail de la main, l’humain. J’aime les singes aussi, pour leur intelligence qui se lit dans leur regard. J’apprécie les œuvres qui les représentent que ce soit un bronze, une peinture ou sous forme de dessin. Ils représentent mon état d’esprit, la joie de vivre. Comme on dit « faire le singe, faire le pitre ».
Distinctions : MOF – 2004 –
Président de l’association « Les bouchons lyonnais » et trésorier des Toques Blanches Lyonnaises depuis 2013.
Bib gourmand du guide Michelin en 2004 pour Daniel et Denise – Créqui.
Bib gourmand du guide Michelin en 2013 pour Daniel et Denise – Vieux-Lyon
Le Meilleur Ouvrier de France Joseph Viola nous parle de son parcours. Des restaurants étoilés à la reprise du bouchon lyonnais Daniel et Denise.
1 – Comment définiriez-vous votre métier ?
J’ai plusieurs casquettes. Je suis à la fois cuisinier, chef de cuisine, chef d’entreprise, communiquant et comptable.
Quand nous avons repris Daniel et Denise avec mon épouse, j’étais cuisinier et chef de cuisine. À ce niveau, il faut savoir gérer le rapport coût/matière. Petit à petit, le restaurant a commencé à bien marcher. Il a donc fallu embaucher ce qui requiert des qualités en matière de ressources humaines. Pour grandir, j’ai dû apprendre à communiquer. Je me rappelle m’être fixé un planning dans lequel j’intégrais une participation trimestrielle à un évènement pour parler du restaurant.
À l’ouverture du second Daniel et Denise dans le Vieux-Lyon, j’ai dû apprendre à déléguer. J’ai embauché une Directrice des ressources humaines et Camille Carlier qui est en charge de toute la partie communication. À l’ouverture de notre 3ème restaurant à la Croix-Rousse, la gestion financière devenant complexe, j’ai embauché une comptable.
Déléguer pour pouvoir faire plus de choses à côté
Donc globalement, on peut dire que notre métier requiert de la polyvalence, c’est aussi ce qui le rend intéressant. Sans compter que le fait de déléguer me permet d’avoir la liberté de faire d’autres activités. J’aime par exemple vadrouiller dans d’autres départements français ou d’autres pays pour m’enrichir de leur culture et parallèlement transmettre mes connaissances et mon expérience.
Depuis quatre ans, je pars quatre fois par an pendant une semaine afin de donner des cours pratiques et théoriques en Turquie. En parallèle, nous réussissons à accueillir vingt stagiaires turcs en France afin qu’ils puissent être formés pendant trois mois dans des restaurants labellisés Toques Blanches Lyonnaises.
« Je rêvais de devenir footballeur »
2 – Comment vous est venu ce goût pour la cuisine ?
Petit j’avais tout le temps un ballon au pied. Au grand désespoir de maman qui voyait les semelles de mes chaussures s’user quotidiennement ! Je rêvais de devenir footballeur mais mes parents jugeant que cette discipline ne pouvait pas se transformer en vrai métier, j’ai du y renoncer à regret.
En même temps nous étions neuf à la maison ce qui faisait une grande tablée ! Un ballet de cris, de larmes, de rires. Cette table était le lieu où l’on se rassemblait, où l’on communiquait. Avec comme chef d’orchestre une maman d’origine italienne qui cuisinait à merveille.
C’est ainsi que m’est venue l’envie de cuisiner. Puis des stages et quelques expériences m’ont permis de déterminer la spécialité vers laquelle je souhaitais me tourner.
3 – Quel est votre parcours ?
Adorant l’odeur du pain chaud, j’ai d’abord pensé être boulanger. Après deux jours de stage je me suis vite rendu compte que sur le long terme je risquais de m’ennuyer. À l’époque, la gamme proposée en boulangerie était moins large que celle proposée aujourd’hui. J’ai ensuite essayé de travailler dans une cantine et dans une maison de retraite mais pour la même raison, j’ai arrêté.
Des Vosges je suis donc parti faire mon apprentissage à La Bresse chez M et Mme Rémy au sein du restaurant Les Vallées. On ne peut pas dire que Monsieur Rémy était un grand technicien mais son paternalisme m’a marqué. J’ai beaucoup appris à ses côtés. Je me rappelle que nous avions une coupure l’après-midi pendant laquelle je restais souvent pour me perfectionner. Grand amoureux de la viande, j’avais la chance de pouvoir rester avec un boucher qui m’apprenait à désosser. Les gestes que j’ai appris me servent d’ailleurs encore aujourd’hui.
Le concours « un des Meilleurs Apprentis de France »
Il faut dire qu’à l’époque l’enseignement de la cuisine nécessitait beaucoup de rigueur. Nous avions un livre composé de plus de cent recettes qu’il fallait connaître par cœur aux dix grammes près. Lors de l’examen, deux recettes de l’ouvrage étaient sélectionnées et il fallait les réaliser avec succès. J’ai fini Premier Meilleur Apprenti de France de ma région cette année-là.
Étant confronté à des Meilleurs Apprentis de France issus de maisons étoilées en finale nationale, j’ai compris que si je voulais progresser, il me fallait intégrer des maisons de prestige. En ces lieux, je pourrais apprendre l’histoire de la cuisine et acquérir les connaissances nécessaires pour atteindre l’excellence.
4 – Pourquoi avoir voulu passer le concours MOF ?
Un jour je suis entré dans une boutique pour m’acheter une tenue de travail. Sur une photo j’ai vu un homme – à l’époque je ne le savais pas, mais il s’agissait de Paul Bocuse – portant une veste de cuisine avec un col tricolore. Je l’ai trouvée belle et j’ai voulu la même. En rigolant, on m’a expliqué que tout le monde ne pouvait pas porter cette veste, qu’il fallait beaucoup travailler et gagner le concours de Meilleur Ouvrier de France.
Depuis ce moment, j’ai toujours gardé dans un petit coin de ma tête l’envie de gagner ce titre pour avoir la fierté de porter ce col tricolore. Des années plus tard, j’ai donc tenté de passer le concours MOF en 2000 mais arrivé à l’épreuve finale j’ai perdu mes moyens. Je me suis retrouvé complètement tétanisé pendant dix minutes devant une cuisine et du matériel que je ne connaissais pas. Malheureusement, dix minutes sur une telle épreuve, ça ne pardonne pas.
Un échec difficile à digérér ?
Il m’a fallu six mois pour digérer cet échec et le sentiment d’avoir déçu ceux qui m’avaient encouragé durant toute la préparation de cette épreuve : ma femme, mes enfants, mes amis et collègues.
J’ai pensé arrêter la cuisine mais grâce au soutien de mon épouse j’ai continué et je me suis remis en question.
Mon talon d’Achille étant de cuisiner dans un univers non familier. J’ai décidé de me confronter à cette difficulté. Pendant seize mois je suis donc parti tous les dimanches soirs pour donner des cours à des chefs dans des cuisines inconnues.
En 2004 je me suis réinscrit au concours de MOF. Soutenu par la brigade du Léon de Lyon et coaché par Daniel Léron (le fondateur de Daniel et Denise) qui a su me guider sans m’épargner. Cette finale à Toulouse a été un pur bonheur. J’étais serein, entraîné, entouré. Une finale de rêve.
« L’excellence peut être réalisé dans n’importe quel endroit. »
5 – Vous êtes passé de l’étoilé aux bouchons lyonnais ?
J’ai travaillé chez Jean-Paul Lacombe pendant dix ans. À la fin de la 9ème année, je lui ai dit que dans un an je ne ferai plus partie de la brigade. J’avais 40 ans, je voyais arriver l’ascension de jeunes chefs, et avec mon épouse nous avions l’envie d’ouvrir un restaurant.
Le midi nous déjeunions souvent chez Daniel et Denise. Quand Daniel Léron m’a proposé de reprendre son affaire, j’ai accepté. Bien sûr, mon choix a été l’objet d’un questionnement de la profession. Passer d’un établissement étoilé à un restaurant sans code de prestige. Mais je voulais montrer que l’excellence peut être réalisée dans n’importe quel endroit. L’excellence est un état d’esprit. Un savoir-faire et un savoir-être. Bien souvent quand on pense aux bouchons, on pense graillon. Mais il faut se souvenir qu’à l’origine les mères lyonnaises préparaient des plats mijotés de qualité.
6 – D’après vous, quelles qualités faut-il pour être un bon cuisinier ?
Il faut être patient, persévérant, passionné et exigeant.
7 – Avez-vous un engagement pour le local ?
À mon sens, on ne respecte pas assez les agriculteurs en France. Ils ont des difficultés et on les laisse de côté alors qu’ils sont acteurs de notre patrimoine et de la richesse qu’est la gastronomie française. Si les éleveurs qui élèvent eux-mêmes leurs bêtes dans le respect disparaissent, où est le sens ? La quantité au détriment de la qualité ? Un produit médiocre, même sublimé par une sauce bien réalisée, reste un produit médiocre. On ne peut pas viser l’excellence avec une once de médiocrité.
« Un produit médiocre, même sublimé, reste un produit médiocre. »
8 – Que pensez-vous de l’introduction de produits agro-alimentaire en cuisine et de l’émergence des nouveaux modes de conservation ?
Il est vrai qu’avec l’émergence de l’agro-alimentaire, on voit aujourd’hui apparaître dans nos cuisines des fonds de sauce en poudre. Je ne suis pas contre à condition qu’ils soient utilisés avec parcimonie. Un établissement de qualité doit avoir une identité. Aussi, utiliser ces fonds de sauce comme liant ou comme petit exhausteur de goût oui. Mais pour que la sauce ait une réelle valeur ajoutée, elle doit être réalisée par la main du chef, avec technicité et savoir-faire.
Quant aux nouveaux modes de conservation, je trouve la mise sous-vide très intéressante. Ce mode de conservation permet de garder les saveurs et les qualités nutritionnelles d’un produit tout en évitant le gaspillage alimentaire.
9 – Comment avez-vous vécu votre première édition au Lyon Street Food Festival ?
Beaucoup de personnes ont été surprises que je participe à cet événement. Mais bien au contraire, j’étais content de pouvoir prendre le temps d’aller à la rencontre des gens. Je n’ai jamais voulu me cacher dans mes cuisines et être inaccessible. Je reconnais que la gestion de trois restaurants et d’une vie de famille – j’ai 2 enfants – demande beaucoup d’investissement. Ce qui explique que je ne puisse malheureusement pas toujours être disponible.
10 – Pourquoi avoir choisi d’écrire un livre aux influences italiennes ?
Maman était italienne et ça se reflétait dans sa cuisine. Je n’oublie ni mes origines, ni les personnes que j’ai pu rencontrer au cours de mon parcours professionnel. Ces personnes ont influencé ma manière d’appréhender mon métier et cette influence se lit naturellement dans mon ouvrage.
11- Quel est votre leitmotiv dans la vie et/ou une citation qui vous inspire?
« Je le fais pour le faire bien. » La cuisine est pour moi viscérale. Le jour où je ne me lèverai pas avec cet engouement et cette passion qui m’animent, j’arrêterai.
12 – Quels sont vos projets pour demain et/ou le rêve que vous souhaiteriez réaliser ?
J’aimerais beaucoup avoir des terres maraîchères afin d’avoir le plaisir de cultiver des produits de qualité en toute autonomie.
Daniel et Denise – Joseph Viola
Croix-Rousse : 8, rue Cuire 69004 Lyon
Créqui : 156, rue de Créqui 69006 Lyon
Saint-Jean : 36, rue Tramassac 69005 Lyon